Des origines controversées
 

 

Au début était ...
L'origine des échecs n'a jamais été établie de façon certaine. Des hypothèses farfelues voudraient que les origines du noble jeu remontent à 2000 ans avant J.C. On raconte aussi qu' à 500 ans avant J.C, Bouddha prêchait contre la pratiques des échecs le dimanche ! Ou encore que le grec Palamède aurait inventé le jeu d'échecs pour divertir ses soldats pendant la guerre de Troie.

Plus sérieusement, les historiens s'accordent pour admettre que les échecs firent leur première apparition au nord de l'Inde au 5ème siècle après J.C. et s'appelait le Chaturanga , ce qui signifiait "Quatre Rois" et qui se jouait à quatre partenaires. Le jeu se jouait avec un dé qui décidait du déplacement des pièces. Les pièces d'alors étaient les Rois et les cavaliers (comme de nos jours), les chars (tours) et des pièces aujourd'hui disparues : les ministres, les éléphants et les fantassins.

Une petite anecdote amusante, mais certainement non fondée : un sage oriental du nom de Sissa aurait inventé le Chaturanga pour distraire un monarque neurasthénique. Pour le remercier, il proposa à Sissa de choisir lui-même sa récompense (si elle était raisonnable, bien sûr). Sissa demanda simplement un peu de blé.

  • Combien en veux-tu ?, interrogea le souverain.
  • Voilà : vous placerez un grain de blé sur la première case de l'échiquier, puis deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant le nombre de grains à chaque nouvelle case jusqu'à la soixante-quatrième.

Devant une demande aussi amusante et modeste (croyait le souverain), il accepta. Mais le souverain ne put jamais payer Sissa. Quand on fit les comptes de ce que le souverain devait réellement à Sissa, ce n'était pas un simple sac de blé qu'il devait, mais 18 quintillions de grains (263, l'équivalent d'un tas de blé recouvrant la France entière sur une épaisseur d'un mètre !)

 

Dieu ne joue pas aux dés ...
L'idée révolutionnaire de supprimer les dés se répandit peu à peu. En effet, de bons joueurs voyaient leur belle position s'écrouler sur un malheureux coup de dé, les mauvais joueurs gagnaient des parties (et de l'argent) grâce à la chance.

Deuxième progrès : la réduction du nombre de joueurs à deux, le combat devenant duel. Le Chaturanda ressemblait de plus en plus aux échecs modernes.

Le jeu fit ensuite son apparition au Japon, où il devint le Shogi, puis en Perse.

 

En Perse, une popularité rapide
Un siècle suffit pour que le jeu (devenu là-bas Chatrang) devienne étonnement populaire. La légende raconte qu'un ambassadeur indien l'offrit au roi perse Chosroe 1er pour tester son intelligence. Dans les années 550, plusieurs écrits mentionnent l'existence du jeu.

Bien que les Persans n'aient pas inventé le jeu, ils se targuaient d'avoir des joueurs bien plus forts que les Indiens.

En 638, les armées arabes du calife Omar envahissent la Perse. Le Chatrang allait désormais se répandre en suivant les conquêtes de l'Islam. Le Chatrang devient Chatrandj, prononciation arabe.

 

La période arabe
La contribution des Arabes au développement du jeu fut considérable, notamment grâce à quelques souverains musulmans passionnés.

Le calife Haroun-al-Rachid offrit un jeu à Charlemagne. Il était le mécène de plusieurs champions de l'époque et ses fils passaient le plus clair de leur temps devant un échiquier.

Les premiers livres techniques datent de cette époque. Le "Livre des échecs" d'Al-Adli a été écrit en 842. Le fameux problème d'Al-Adli date de 840.

En 847, Haroun-al-Rachid organisa sans doute le premier match de l'histoire des échecs, qui vit la victoire du Persan Ar-Razi sur Al-Adli. Mais le plus fort joueur de l'époque fut Al-Suli. Il maintint sa domination presque tout le Xè siècle.

Mais un écrit de Mahomet interdit toute reproduction d'image des êtres animés. On inventa donc les premières formes stylisées des pièces.

 

La conquête de l'Europe
Les Arabes répandirent le jeu dans toute l'Afrique du Nord. Après les conquêtes de l'Espagne et du Portugal par les armées arabes, les échecs allaient connaître une expansion considérable.

Les Maures installèrent en Espagne des universités où l'on enseignait la culture musulmane mais aussi les échecs. C'est ainsi que des étudiants européens rapportèrent dans leur pays le Chatrandj. Les cases de l'échiquier étaient jusqu'alors simplement quadrillées : un grand progrès fut fait en partageant l'échiquier en 32 cases blanches et autant de cases noires. La notion de Fous de case blanche et noire fut également introduite à cette époque.

Les nobles allaient faire des échecs leur jeu favori. On jouait à la cour de Charlemagne, dans l'entourage de Frédéric II d'Allemagne et même plus au nord chez les rois scandinaves.

 

La Renaissance des échecs

Après une période d'obscurantisme moyenâgeux où les échecs ne furent pas plus approfondis que le jeu de domino, vint le besoin de rationnaliser les connaissances acquises et de dégager des principes généraux sur la façon de jouer correctement.

Ce n'est qu'au XVè siècle que les pièces allaient avoir les noms et les marches des pièces actuelles.

Le "ministre" des Indiens devient "vizir" chez les Arabes, puis "fers" en Europe de l'Est. Désormais ses pouvoirs sont multipliés et on l'appelle la dame. L'"éléphant", devenu "alfil" est maintenant le fou et possède les diagonales. Le "fantassin" devenu pion augmente sa force en pouvant avancer de deux cases à son premier coup. La promotion du pion arrivé en huitième rangée est introduite et il peut se transformer en n'importe quelle pièce déjà prise. Ce n'est qu'au milieu du XIXè siècle que l'on pourra éventuellement posséder plusieurs dames.

La règle du roque apparaît à cette époque, mais sous une forme dite du roque libre : le roi pouvait aller sur n'importe quelle case de la première rangée, y compris le coin, la tour passant au dessus mais se fixant sur la case de son choix.

La découverte de l'imprimerie allait amener une multiplication des traités sur les échecs.

  • En 1485, Lucena écrit son célèbre "Manuscrit de Göttingen" qui contient des principes encore valables aujourd'hui.
  • En 1512, Damiano, pharmacien portugais, publie un traité sur les ouvertures, des "coups fins", et y parle aussi du jeu à l'aveugle (sans voir l'échiquier)
  • En 1561, le prêtre espagnol Ruy Lopez publie "Librio de la Invencion liberal y Arte del juego del Axedrez". C'est le premier livre vraiment complet traitant des ouvertures, milieux de parties, finales. Ruy Lopez, un des plus forts joueurs de sa génération, restera éternellement connu par l'ouverture qui porte son nom (1.e4 , e5 ; 2. Cf3 , Cc6 ; 3.Fb5).